Interview de Georges ASSAF (promo 2005)

Interview réalisée dans le cadre du dossier "Ingénieurs ENSTA Paris et santé"
 

En quoi consiste ton métier ?

GA. : Je suis chimiste process, responsable de projets dans l’industrie pharmaceutique. Concrètement, je développe des procédés de synthèse organique pour fabriquer des principes actifs de médicaments. Ces procédés doivent permettre de répondre à la demande anticipée
du marché (exemple : combien de tonnes par an), aux requis régulatoires (études des impuretés à l’état de traces, préparation du dossier de soumission réglementaire), de créer de la valeur pour l’entreprise, pour les patients, et aussi de minimiser l’impact néfaste sur l’environnement.
Quel a été ton cursus académique, et en particulier ta spécialisation à ENSTA Paris ?
GA. : J’ai fait une prépa scientifique et j’ai été admis au concours de l’X. J’ai suivi les majeures chimie et biochimie à l’X et j’ai fait mon année d’application à ENSTA Paris ; il s’agissait d’une année d’application double car je ne savais pas si j’allais faire une thèse. Dans ce cas-là, j’ai opté pour un master de chimie de l’X, avec stage dans les laboratoires d’ENSTA Paris. En parallèle, j’ai suivi la troisième année du cursus ingénieur ENSTA Paris avec aménagement de cours pour suivre les deux formations.
 

Quelles ont été les grandes étapes de ton parcours depuis ta sortie d'ENSTA Paris ?

GA. : La première, et non des moindres, a été de décider thèse ou pas thèse. Pendant ma dernière année à ENSTA Paris, j’ai précisé mon projet professionnel : je voulais entrer dans l’industrie pharmaceutique et j’étais persuadé qu’une thèse en chimie organique était obligatoire. Alors que mes recherches de thèse n’aboutissaient pas vraiment, j’ai eu l’opportunité de rentrer chez Pfizer en Angleterre, à la paillasse, pour apprendre le métier de process chemist, sans thèse. J’ai adoré car j’ai appris sur le tas, loin des théories et des sujets de recherche à la mode du moment. J’ai aussi énormément progressé en anglais, pour y avoir vécu près de six ans.
La deuxième grande étape a été de quitter l’Angleterre pour la Belgique, d’accepter de partir d’une zone de confort vers l’incertitude et vers une nouvelle culture.
 

De ton point de vue, quel rôle a ou doit avoir l'ingénieur ENSTA dans le domaine de la santé ?

GA. : L’ingénieur ENSTA Paris doit apporter un regard critique, basé sur la science, les faits pour balayer les idées reçues ou les courts-circuits faciles (du genre « les big pharma ne pensent qu’aux profits ») et mettre la priorité sur les défis de la santé d’aujourd’hui et de demain : quel accès à la santé quand les hôpitaux et maternités ferment ? Quel accès aux médicaments de base quand tout devient cher ? Quelle santé quand les températures montent et que la malnutrition arrivera une fois les sources d’eau principales taries ? Un ingénieur devra répondre à ces défis de la santé de demain.
 

Peux-tu nous donner l’exemple d’une action, d’un projet significatif que tu as mené en matière de santé ?

GA. : Faire mon job au mieux jour après jour pour accélérer la disponibilité d’un médicament pour les patients qui en ont besoin et qui parfois n’ont pas de traitement disponible.
En quoi ta formation à ENSTA Paris t'a-t-elle aidé ou t’aide-t-elle dans cette action ? Dans ta fonction en général ?
GA. : L’année de spécialisation à ENSTA Paris a proposé des sensibilisations aux domaines connexes de la santé. Produire génère des déchets. Produire doit se faire en accord avec les régulations en vigueur. Connaître et maîtriser le cycle de vie des déchets industriels, et en particulier les déchets chimiques de production de médicaments, est essentiel pour la pérennité de nos activités sur Terre. On apprend à modéliser à ENSTA Paris (modélisation de procédés chimiques). Construire des modèles mathématiques pertinents permet d’anticiper et de corriger le tir ainsi que de mesurer l’impact d’actions correctrices.
 

Gardes-tu un souvenir anecdotique de l’école ?

GA. : Je me souviens de la bonne ambiance au laboratoire de chimie organique (Shrek a gazé tout le monde avec sa distillation de thiophénol) et de la semaine de visites de sites industriels dans la vallée du Rhône.
 

As-tu des conseils à donner aux élèves actuels ?

GA. : L’impact sur la planète doit être au centre des préoccupations. À court terme, nous verrons disparaître des espèces emblématiques. Le changement climatique va affecter la santé physique et psychologique à moyen terme. Utilisez votre énergie et vos capacités pour changer cela afin de maîtriser le cycle de l’eau et le cycle du carbone.

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