Interview d'Emeline SIMONETTI (promo 2015,5)

Interview réalisée dans le cadre du dossier "Ingénieurs ENSTA Paris et santé"
 

En quoi consiste ton métier ?

ES. : Je suis chercheuse en biomécanique au CERAH, Centre d’études et de recherche sur l'appareillage des personnes handicapées, dépendant de l’Institution nationale des Invalides. Mes travaux portent sur l'analyse du mouvement des personnes amputées et appareillées (avec une prothèse de membre inférieur) et des utilisateurs de fauteuil roulant manuel.
Un des objectifs principaux de mon laboratoire est de caractériser les dispositifs d'assistance (prothèse ou fauteuil) et la locomotion des patients (défaut de marche, asymétrie, cinématique de la propulsion). Pour cela, nous utilisons des données expérimentales, recueillies en laboratoire d'analyse du mouvement avec un système optoélectronique (similaire à ce qui est utilisé pour les films d'animation ou les jeux vidéos) et des modèles musculo-squelettiques personnalisables qui nous permettent d'obtenir des indicateurs caractérisant la locomotion. Ceux-ci peuvent, selon les projets, être pertinents pour les équipes médicales et paramédicales en charge de la rééducation, pour les fabricants d'aide technique...
Dans le cadre de mes projets, j'ai des missions plutôt variées : élaboration des protocoles expérimentaux et soumission des dossiers aux comités éthiques pour la prise de mesure, collecte de données, programmation et traitement des données, interprétation des résultats et, dès que possible, valorisation des résultats en congrès ou via des publications scientifiques.
 

Quel a été ton cursus académique, et en particulier ta spécialisation à ENSTA Paris ?

ES. : J'ai intégré ENSTA Paris après un cursus en classe préparatoire MPSI / MP et je me suis d'abord orientée vers une deuxième année axée simulation / mécanique du solide. Déjà intéressée par le domaine de la santé, mon PRe traitait de la modélisation de la propagation des ultrasons dans le genou.
J'ai ensuite pu bénéficier du programme ERASMUS pour effectuer une année de césure à TU Delft au cours de laquelle j'ai pu choisir les cours qui m'intéressaient du master Biomedical Engineering. De retour à ENSTA Paris, j'ai personnalisé ma troisième année en effectuant un super projet (c’est-à-dire en remplaçant un module de cours par une contribution à un projet de recherche). J’ai collaboré avec une kinésithérapeute en thèse à l'Institut de biomécanique humaine Georges Charpak (IBHGC), dépendant des Arts et Métiers, pour analyser une orthèse de genou et son intérêt pour soulager l'arthrose.

Quelles ont été les grandes étapes de ton parcours depuis ta sortie d'ENSTA Paris ?

ES. : Après ces expériences dans le monde académique, j'ai rejoint EUROS, une société concevant et fabriquant des implants orthopédiques, en tant que chef de projets dans le département R&D pour mon stage de fin d'études. J'ai ensuite rejoint EFOR Healthcare, une entreprise d'ingénierie spécialisée dans les medtech. J’y ai exercé pendant un an en tant qu'ingénieure technico-réglementaire et ai pu accompagner différentes entreprises dans l'obtention du marquage CE d'un dispositif médical (prothèses de hanche, logiciel dentaire, respirateur artificiel…).
Enfin, j’ai rejoint le CERAH, dans un premier temps en tant que doctorante rattachée à l'IBHGC (Arts et Métiers) et désormais en tant que chercheuse depuis fin 2020.


De ton point de vue, quel rôle a ou doit avoir l'ingénieur ENSTA dans le domaine de la santé ?

ES. : Le domaine de la santé est vaste et l'ingénieur ENSTA Paris a toute sa place pour y contribuer de différentes manières. Concernant le secteur des dispositifs médicaux, leur développement et leur pertinence reposent sur l’expertise d’ingénieurs qui savent prendre du recul pour, d’une part, traduire des exigences médicales et, d'autre part, se rappeler qu'au-delà des défis techniques, le dispositif doit pouvoir être utilisé (par des médecins ou patients) et doit être conforme aux normes et réglementations qui régissent le domaine. L'essor du numérique et de l'intelligence artificielle dans le secteur de la santé ouvre de nouveaux territoires à explorer et des cadres à construire : de nombreuses perspectives intéressantes pour de jeunes diplômés d'ENSTA Paris !
 

Peux-tu nous donner l’exemple d’une action, d’un projet significatif que tu as mené en matière de santé ?

ES. : Pendant mon doctorat, j'ai travaillé en collaboration avec les équipes cliniques de deux centres de rééducation sur un projet qui avait pour objectif de comparer deux types de rééducation (avec ou sans capteurs embarqués). Au cours de ce projet, il a fallu notamment homogénéiser la pratique clinique entre les deux centres de rééducation, définir un protocole de mesure compatible avec la routine clinique pour utiliser les capteurs embarqués pendant la rééducation de personnes amputées et former les différents praticiens à l’utilisation des capteurs embarqués. Au-delà de l’intérêt du projet de recherche, les synergies entre les centres et les échanges en équipe multidisciplinaire étaient très enrichissants.

En quoi ta formation à ENSTA Paris t'a-t-elle aidé ou t’aide-t-elle dans cette action ? Dans ta fonction en général ?

ES. : La formation à ENSTA Paris nous donne les clés pour appréhender rapidement et facilement de nombreux sujets techniques. La biomécanique est un domaine transverse à la croisée de la mécanique et des mathématiques appliquées (simulation, modélisation, optimisation…). Le socle de connaissances scientifiques apportées par la formation à ENSTA Paris m’a servi au cours de ma thèse et des différents projets que j’ai pu mener depuis.
Au-delà des cours, la riche vie associative à ENSTA Paris n’est pas à négliger et apporte beaucoup, tant sur la gestion de projets que sur le savoir-être (sans oublier des amitiés qui traversent les années).


As-tu des conseils à donner aux élèves actuels ?

ES. : Avant tout, de bien profiter de ce que ENSTA Paris a à offrir, tant sur le plan des cours (en particulier les cours non scientifiques !) que sur le plan de la vie associative ; s’investir dans celle-ci donne souvent les clés pour mener à bien des projets et travailler en équipe.
La qualité du socle de connaissances apportées par la prépa puis ENSTA Paris permet bien souvent de changer de domaine ou de se réorienter : inutile de se mettre une pression démesurée pour définir son cursus. Même si votre projet est encore vague, il faut profiter des possibilités de personnalisation (césure, super projet, double diplôme…) qui sont multiples.

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